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Historique

Les Ateliers de l’Insu se sont constitués en 1984, de la rencontre d’Alain Gontier avec Guy Lafargue et Jean Broustra. Ces deux bordelais étaient alors en train de développer une pratique d’atelier inspirée de celle d’Arno Stern au sein des Ateliers de l’Art Cru. Il s’agissait, à la fois, de construire des dispositifs adaptés aux enjeux de la psychiatrie, de la psychothérapie et de la pédagogie institutionnelles, et de contribuer à la formation des soignants et des éducateurs en leur offrant des espaces expérientiels pour affiner leur rapport à leur champ professionnel.
Notre formation à l’animation d’ateliers d’Expression Créatrice mise en place en 1999 en Belgique tente jusqu’à aujourd’hui de soutenir ces deux enjeux.

 

« Mais, au fond même de la vie, une puissance formative têtue reste en réserve, attendant que soient levés les obstacles qui l’entravent. » J.Starobinski 1

Il y a l’histoire de l’expression et il y a l’histoire des ateliers. Ces histoires donnent racines à la manière de penser les ateliers d’expression.

Expression et philosophie : la racine antique

L’histoire de l’expression suit le parcours de la philosophie occidentale depuis la naissance de la pensée grecque2. Elle est présente dans chaque projet philosophique qui intègre dans son élaboration la dimension langagière, quand le philosophe ne se contente pas de dire ce qu’il voit mais essaye « de dire pour voir, de chercher la formule d’une expression créatrice de l’expérience que nous tentons de dévoiler. »3

« …si la philosophie peut parler, écrit Maurice Merleau-Ponty, c’est (…) parce qu’on ne parle pas seulement pour savoir ce que l’on sait, comme pour en faire étalage, – mais aussi de ce que l’on ne sait pas, pour le savoir, – et que le langage se faisant exprime, au moins latéralement, une ontogenèse dont il fait partie. »4

Atelier, matérialité et groupalité : la racine moyenâgeuse

Celle des ateliers commence au Moyen-Age (le mot astelier apparaît en 1332) et  fait tout un parcours qui part du « tas de bois » – l’ancien français astelle désignait un « éclat de bois » -, passe par le « chantier (où travaille des charpentiers et des maçons) », pour arriver à nommer à la fois le lieu et le groupe de travail rassemblant des artisans, des ouvriers ou des artistes.

Ce cheminement d’un mot pour définir un espace groupal  autour du « bâtir », de l' »habiter » et  du « penser » nous fait rejoindre la philosophie et en particulier celle de Martin Heidegger 5.

Sans doute ces deux termes-là étaient-ils destinés à une rencontre. Le processus d’expression n’ouvre-t-il pas en effet l’espace de la mise en chantier qui se déploie dans l’atelier pour déboucher sur une pro-duction.

Voyage interlangagier et accueil de la folie : la formation des formes

Il a pourtant fallu passer par l’Allemagne, et donc une autre langue, pour permettre finalement l’accouplement de ces deux termes. Hans Prinzhorn (1886-1933), psychiatre chanteur, va s’intéresser aux productions étranges qui émergent au sein des lieux d’accueil de la folie de son époque. Echappant à la jouissance du regard psychopathologique explicatif qui enferme, il va s’atteler à comprendre ce qui apparaît à partir des termes de bildnerei et de Gestaltung. Il maintient ainsi l’accent sur l’humain et la nécessité pour l’homme de « former des formes » 6.

C’est au déploiement de ce processus que les ateliers d’expression créatrice veulent donner lieu.

Mais au-delà d’une rencontre de termes, c’est, au bout du compte, une rencontre de personnes qui va permettre la formalisation du modèle actuel des Ateliers d’Expression Créatrice.

Structuration d’un cadre pour les ateliers : accueil de l’expression et déploiement de sa dimension créatrice

Guy Lafargue et Jean Broustra vont croiser leurs chemins au début des années 1970 à Bordeaux.

Guy Lafargue s’est abreuvé à la source de la psychosociologie clinique d’inspiration « non-directive », née au cœur des travaux de Carl Rogers et de Kurt Lewin. Il a collaboré au Laboratoire de Changement Social dirigé par Max Pagès et a pratiqué la structure d’atelier d’Arno Stern.

Jean Broustra apporte, quant à lui, les référents psychanalytiques, de Freud à Lacan, en passant par les théoriciens des dynamiques de groupes, Wilfred Bion et Didier Anzieu en particulier, un intérêt pour la phénoménologie, ainsi qu’une expérience issue de sa participation au mouvement de « psychothérapie institutionnelle ».

Ensemble, ils vont mettre au point un dispositif d’atelier qui trouvera à se pratiquer depuis le cœur même de l’institution psychiatrique jusque dans les secteurs les plus divers allant des marges de la société (chômage, quart-monde, …) aux centres culturels en passant par les établissements scolaires ou de formation, les Maisons de Jeunes, …

En 1984, ils fondent l’Association pour le Développement des Ateliers d’Expression Créatrice (ADAEC) dénommée par Guy Lafargue « Ateliers de l’Art Cru« . 7

Les Ateliers de l’Insu

C’est dans cette mouvance que se constituent les Ateliers de l’Insu et que démarre en 1999, en Belgique, une Formation à l’Animation d’Atelier d’Expression Créatrice (voir Formation) à l’initiative d’Alain Gontier.

Peu à peu, avec les participants qui terminent la formation, l’association prend de l’ampleur et les modalités de transmission se développent et se diversifient pour garder vivante la réflexion sur la pratique d’atelier et l’accueil des expressions (voir Rapports d’activités).

  1. in Préface à Expressions de la folie de Hans Prinzhorn, Paris, 1984, Gallimard, Connaissance de l’Inconscient, p.XIII
  2. Cfr. Jean Broustra, Abécédaire de l’expression, Ramonville Saint-Agne, Erès, 2000,  Des travaux et des jours, pp.75 à 87.
  3. Raphaël Gély, La genèse du sentir, Bruxelles, Ousia, 2000, p.18.
  4. Maurice Merleau-Ponty, cité in R. Gély, op. cit., p.20
  5. Martin Heidegger, Bâtir Habiter Penser, in Essais et conférences, Paris, Gallimard, 1958, Tel 52, p.170 à 193.
  6. Traduction du terme de Gestaltung proposée par le philosophe Henri Maldiney
  7. Pour en savoir plus :
    Jean Broustra, Abécédaire de l’expression, Ramonville Saint-Agne, 2000, Erès, Des travaux et des jours.
    Jean Broustra, La vie rhizome, Latresne, 2002, Le Bord de l’Eau, Littérature(s) & psychiatrie.
    Guy Lafargue, L’Expression Créatrice Analytique, T.1 « De l’affect à la représentation », Bordeaux, 1999, Cahiers de l’Art Cru, n°29.
    Hans Prinzhorn, Expressions de la folie, Paris, 1984, Gallimard, Connaissance de l’Inconscient, p.XIII.